Cette année (2020) j’ai demandé aux étudiants de présenter le travail d’un·e artiste qui emploie la sérigraphie. Voici la présentation du collectif La Rage par Juliane Remy.


La Rage est un collectif féministe bénévole né en 2015.

L’idée de La Rage était de rassembler des affiches féministes et lesbiennes, faites par des femmes, des homosexuelles et des personnes trans du monde entier pour se les réapproprier, grâce à la sérigraphie pour la plupart, afin de donner plus de visibilité aux combats de ces minorités. Pour La Rage, les affiches sont l’outil de lutte féministe idéal. A la fois historique et contemporain, il permet de s’approprier l’espace publique et d’y véhiculer des messages. Les affiches collectées sont toutes sur le site du collectif (larage.org) afin d’être visible par tou.te.s.
Mais le collectif organise surtout des ateliers de création d’affiches en sérigraphie ouverts aux femmes, aux lesbiennes et aux personnes transsexuelles, où créativité, diversité culturelle et liberté
de partage sont les maîtres-mots.

Interview avec Cecile, cofondatrice de La Rage

29/04/2020

Comment a débuté La Rage ?

Tout a débuté à Nantes en 2015. Nous sommes trois : Billy, sérigraphe, Hélène, graphiste, et moi [Cécile], urbaniste. A l’époque, on était toutes déjà copines et militantes, on se voyait dans les mêmes groupes et évènements. Nous avons alors eu une idée : rassembler des affiches d’archive, les retravailler pour se les réapproprier et les resérigraphier. On ne voulait pas se cantonner seulement à la France mais mettre en avant les luttes actuelles du monde entier. En plus, avec les professions de Billy et Hélène, nous avions déjà un lien avec la sérigraphie et la communication visuelle.
En premier lieu, nous avons créé le site internet. Tout d’abord, pour pouvoir contacter des créatifs et s’accorder avec eux quant à la diffusion et reproduction de leur travail, et ensuite, pour poster les œuvres. Cette collecte a demandé beaucoup de recherche.
En novembre 2015, on a exposé tout ce travail au 6b, un lieu de création et de diffusion à Saint-Denis (93). L’exposition a duré deux-trois semaines et c’est là que nous avons fait nos premiers ateliers créatifs.

Comment le collectif s’est-il fait connaître ?

En 2015 également, nous sommes allées à Paris. Pour moi, c’était plutôt un retour dans la capitale car j’y avais déjà vécu. J’avais donc déjà un bon réseau là-bas tout comme Hélène et Billy. Ça nous a aidé. Et puis, on avait créé la page Facebook du collectif, elle fonctionnait déjà bien. C’est là où on poste le plus de choses, comme les évènements qu’on organise (eux aussi nous ont aidées à nous faire connaître) et les affiches créées pendant les ateliers. Et enfin, ce sont ces ateliers de création et le bouche-à-oreille qui en découle qui ont permis à La Rage de grandir. Je pense que le fait que ce soit dans le partage et la liberté de parole a beaucoup joué. Dès les premiers ateliers, tout le monde se sentait bien et à l’aise au fur et à mesure de nos échanges.

Justement, comment se déroule un atelier ?

Le plus commun, c’est de faire une journée entière avec un groupe de 6-7 femmes et personnes trans, rarement plus. On a remarqué que c’est beaucoup plus facile de discuter avec des groupes réduits, sinon tout le monde n’ose pas forcément parler.
Le matin, on commence par échanger donc. Ce dialogue permet de trouver des sujets à aborder. A ce moment-là, Hélène, Billy et moi sommes surtout une écoute pour les participant.e.s. Au bout d’un moment, des thèmes émergent. On réfléchit alors aux messages et aux slogans adaptés. Ensuite vient la question graphique. Pour ce type de groupe, on crée la plupart du temps une ou deux affiches collectives à imprimer.
Le plus souvent, on est dehors. Du coup, on n’utilise pas de produits pour sérigraphier. On découpe comme un pochoir dans du papier. Et enfin, on passe l’encre dessus. On utilise un (pour les dégradés) ou deux écrans (pour la bichromie).
Vers quinze heures, on imprime. Les participant.e.s peuvent à la fin repartir avec leurs affiches. Parfois, c’est ouvert à tous, un peu comme une boutique où d’autres personnes peuvent également venir acheter les affiches.

Où les ateliers ont-ils lieu ?

Dans toute la France, surtout en Ile-de-France. Nous sommes aussi déjà allées en Belgique et au Luxembourg.

Comment ça se passe au niveau financier ?

Nous avons toutes un boulot à côté. Le mien n’a rien à voir avec le monde de la sérigraphie et de la communication pour le coup. Mais grâce à ça, on n’a pas trop à se soucier de la charge financière et on a pu rester en grande partie bénévoles. En général, il y a un prix libre. C’est pour amortir les frais de matériel.
Sinon, on organise aussi parfois des ateliers avec des écoles ou des médiathèques. A ce moment-là, c’est payant.

Avez-vous déjà rencontré des problèmes ou des moments difficiles depuis cinq ans ?

Honnêtement non. Comme on est souples et qu’on s’entend très bien depuis longtemps, ça nous permet de ne pas nous mettre trop de pression. On choisit ce qu’on a envie de faire ou pas. On n’accepte que les projets qui nous plaisent vraiment.
Et puis, on n’a pas toujours le temps, étant donné qu’on fait d’autres choses à côté. Alors on peut mettre La Rage sur pause pendant parfois plusieurs mois, et ce n’est pas grave !

Merci !